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« La société s’intéresse davantage à la santé que le monde politique »

Le 1er mai 2024, après quinze ans d’activité au sein de l’OFSP, Roy Salveter a transmis la direction de la division Prévention des maladies non transmissibles à Petra Baeriswyl. Pour Spectra, tous deux reviennent sur le passé et passent en revue les défis de la politique en matière de prévention, ainsi que les priorités des prochaines années.

Roy, tu quittes l’OFSP après plus de 15 ans d’activité. Quels sont à tes yeux les principaux succès de tes années à l’OFSP ?

L’introduction de la protection contre le tabagisme passif est certainement notre principale avancée du point de vue de la santé de la population. Par ailleurs, les deux stratégies nationales Prévention des maladies non transmissibles (MNT) et Addictions ont conduit les acteurs impliqués à renforcer leur collaboration constructive sur une base volontaire. Cette collaboration est à mes yeux la clé du succès, et l’évaluation faite des stratégies souligne à quel point elle est appréciée.

De quoi es-tu spécialement fier ?

Tout d’abord des processus internes, comme la fructueuse réorganisation de la division en 2016 et la mise en place d’une culture collaborative au sein des équipes. Ensuite, je suis fier de l’élaboration d’une stratégie globale de prévention des maladies non transmissibles, ainsi que d’une stratégie consacrée à toutes les addictions. Dans le cadre de la gestion de la crise du COVID-19, nous avons su œuvrer pour le bien-être de la population. Dans la prise en charge des addictions, nous avons rapidement obtenu que les personnes concernées reçoivent l’aide nécessaire malgré les restrictions. De même, à l’heure des mesures de protection dues au COVID-19, nous avons fait en sorte que les gens puissent avoir suffisamment d’activité physique. Et, grâce à la création d’un groupe de travail chargé d’examiner les répercussions sociales de la pandémie, nous avons eu une approche plus globale de la gestion de crise. Nous avons par exemple tenu compte, dans la mesure du possible, de l’impact que les mesures adoptées pouvaient avoir sur les enfants et les adolescents, et des solutions acceptables ont ainsi pu être trouvées.

De quoi te souviendras-tu en particulier ?

De la codirection de la division avec Ursula Koch, entre 2010 et 2015 : une période passionnante et une très belle expérience. À nous deux, nous avons réalisé de profonds changements tant externes qu’internes. Les différents programmes nationaux portant sur l’alcool, le tabac, l’alimentation et l’activité physique ont cédé la place aux stratégies globales de prévention. À l’interne, nous avons restructuré la division en fonction de la stratégie MNT et de la stratégie Addictions. Je me souviendrai certainement aussi de la période où, après la pandémie, j’ai repris la direction par intérim de la division Maladies transmissibles, que j’ai contribué à reconstruire.

Qu’est-ce qui t’a plu dans ton travail ?

Énormément de choses. À commencer par la collaboration avec les équipes et avec nos partenaires. Le fait de réaliser quelque chose ensemble, d’aller de l’avant et d’obtenir des résultats. Souvent, ce sont d’assez petites choses qui m’ont fait plaisir, comme des étapes franchies avec nos partenaires. La promotion de l’activité physique a été pour moi le thème le plus gratifiant. Car il est plus facile de permettre à quelqu'un de faire quelque chose que de le lui enlever, ou de lui faire perdre un habitude - – ce qui correspond par exemple à leur vision des mesures de prévention du tabagisme.

Et qu’est-ce qui t’a donné du fil à retordre ?

Les résistances politiques face à la prévention. J’ai toujours trouvé effrayant de voir à quel point même les plus petits efforts de prévention, notamment en matière de prövention du tabagisme, provoquent un tollé, en dépit du bon sens. Sur le terrain politique, les mesures de prévention sont souvent dénoncées comme une « atteinte à la liberté » et une « mise sous tutelle ». Il me paraît pourtant stérile d’opposer ainsi la liberté et la santé. Car, sans la santé, la liberté ne vaut pas grand-chose, et vice-versa. Les mêmes arguments reviennent en boucle et, avec toutes les discussions politiques visant à défendre des intérêts particuliers plutôt que la santé de la population, nous n’avons guère avancé.

La politique en matière de promotion de la santé et de prévention n’a-t-elle donc pas évolué pendant tes années à l’OFSP ?

Oui et non. À mes débuts, il y a quinze ans, les efforts de prévention de l’OFSP étaient critiqués de tous les côtés. Les experts en santé publique ont donc mis les bouchées doubles, notamment pour mettre en place la loi sur la prévention, qui n’a pas abouti. Puis il y a eu un changement de cap avec Santé 2020 : la collaboration volontaire, basée sur des objectifs communs, est devenue prioritaire. Plus loin des débats politiques, nous avons pu aller de l’avant et réaliser d’importants travaux de fond.

Dans les discussions actuelles sur la mise en œuvre de l’initiative populaire « Enfants sans tabac », j’ai toutefois vu réapparaître les anciens schémas. Les arguments avancés au Parlement sont les mêmes qu’il y a dix ou quinze ans. Je pense que la société s’intéresse davantage à la santé que le monde politique. Il est en revanche réjouissant de voir que la collaboration avec nos partenaires s’est améliorée, et que la « communauté de la prévention » a plus de poids qu’il y a quinze ans. On a réalisé qu’ensemble, on obtiendrait davantage.

Roy Salveter est titulaire d’un doctorat (biologie / écologie) et a travaillé à l’OFSP de septembre 2008 à avril 2024, où il a dirigé la division Prévention des maladies non transmissibles. De janvier 2022 à juin 2023, il a également assuré par intérim la direction de la division Maladies transmissibles.

Petra Baeriswyl a pris la direction de la division Prévention des maladies non transmissibles le 1er mai 2024. Elle travaille à l’OFSP depuis 2002. Spécialiste en santé publique, elle est passée par plusieurs sections en tant que responsable de groupe et de section. Dans son précédent poste, elle était depuis 2017 coresponsable de la section Prévention dans la société et le monde du travail.

Petra, que comptes-tu poursuivre en tant que nouvelle responsable de division ?

Nous avons une base très solide sur laquelle nous appuyer. Il reste beaucoup à faire, et les stratégies nous ont servi à esquisser les mesures à prendre durant les prochaines années. Il m’est ainsi possible de poursuivre ce que Roy a mis en place.

Je tiens tout particulièrement à la bonne collaboration avec nos partenaires, que je souhaite renforcer encore. Nous devons avancer ensemble dans la même direction et réunir à chaque fois des majorités. L’heure est à une approche holistique de la santé (health in all policies). Il nous faut des activités efficaces, ainsi que des messages clairs et convaincants, qui soient diffusés par les acteurs de la promotion de la santé et de la prévention.

Le travail de prévention, et surtout les succès obtenus, doivent gagner en visibilité. Nous devons veiller à ce que notre travail soit mieux accepté, afin que les mesures les plus efficaces, à savoir les mesures structurelles, aient de meilleures chances d’aboutir. À plus long terme, les mesures préventives feront baisser les coûts. Au-delà des individus, la prévention profite par conséquent à la société dans son ensemble.

D’autres changements sont-ils prévus ?

Nous allons définir davantage de priorités thématiques et concentrer nos forces, ce que nous avions déjà commencé à faire avec Roy. Nos trois grandes priorités sont le renforcement de la santé mentale, une diminution de la consommation de tabac et de nicotine et la réduction du surpoids et de l’obésité. Et, bien entendu, la stratégie Addictions reste un important pilier, car la loi sur les stupéfiants nous confère des compétences spécifiques dans ce secteur. Nous devons pérenniser et redynamiser la politique des quatre piliers ; il faut à chaque fois reconduire et adapter, en fonction des besoins, les offres destinées aux personnes dépendantes.

De quoi te réjouis-tu en particulier ?

Roy a toujours dit qu’il avait le meilleur job à l’OFSP, et c’est moi qui reprends le flambeau. Les thèmes abordés sont passionnants et porteurs de sens. Ils sont soutenus par la division tout entière. Je me réjouis de mettre en pratique ce que Roy a évoqué plus haut, soit l’esprit de collaboration, afin d’atteindre des résultats communs. Mais je me réjouis aussi des débats politiques difficiles en vue. C’est une étape nécessaire : c’est même le seul moyen d’avancer.

Quels sont à vos yeux les prochains défis ?

Petra Baeriswyl : La consommation de tabac a beau être en légère baisse, nous constatons que les nouveaux produits du tabac gagnent du terrain. Les produits tels que les cigarettes électroniques plaisent aux jeunes, et une nouvelle génération de consommateurs dépendants se profile à l’horizon.

Le cannabis requiert une réglementation axée sur la santé publique du fait de la difficulté de concilier tous les intérêts en présence. Nous devons absolument veiller à ce que les nouvelles réglementations améliorent la situation actuelle, pour ne pas créer davantage de problèmes de santé que ceux qui existent à l’heure actuelle.

Il faudra encore trouver une réponse à la détresse psychologique croissante des jeunes. Quelle en est la cause exacte, et comment y remédier ? Nous disposons certes d’indices sur différentes causes, dont le harcèlement, les réseaux sociaux ou le stress. Mais il faudrait en savoir plus. Diverses recommandations récemment publiées livrent des indications utiles sur les domaines où il est nécessaire d’agir.

Roy Salveter : Le vieillissement démographique, dont nous parlons depuis longtemps, est entre-temps une réalité. Au cours des dix à quinze prochaines années, il mettra à rude épreuve notre système de santé, en raison de l’augmentation des maladies chroniques. La prévention offre ici un énorme potentiel, notamment dans les soins de santé. Après tout, le système de santé et la société ont tout à gagner à ce que les gens restent longtemps en bonne santé, sans avoir besoin d’être « réparés ». On en est hélas encore très loin.

Roy, quel conseil aimerais-tu donner à Petra ?

Roy Salveter : La santé est un système complexe. Il ne faut jamais perdre de vue cette complexité, et dès lors rechercher des solutinos avec les nombreux acteurs. Même dans des situations complexes, la persévérance finit par payer. Le but reste de permettre aux gens de vivre le plus longtemps possible en bonne santé. À cet effet il faut éviter de fumer, ne consommer que peu d’alcool, avoir une alimentation équilibrée et veiller à faire beaucoup d’exercice (et à se reposer suffisamment). Ces messages simples fonctionnent avec un système aussi complexe. Il faut ensuite bien s’y tenir, faire les ajustements nécessaires et saisir toutes les opportunités.

En tout cas, chère Petra, je te souhaite beaucoup de plaisir, une bonne dose de patience et tout le succès possible en tant que responsable de division.

Petra Baeriswyl : Quant à moi, je te souhaite d’apprécier pleinement la période qui s’ouvre pour toi et de trouver un nouveau défi captivant à relever.

La recommandation de Roy Salveter pour le thème du mois de prevention.ch

La plateforme pour les partenaires www.prevention.ch est un projet que Roy Salveter a fait avancer. La rédaction de prevention.ch a récemment lancé le « Thème du mois », sous forme de sélection d’articles publiés par divers acteurs actifs sur sa plateforme. Elle a demandé à Roy quel thème lui plairait.

Roy Salveter : Le thème du renforcement musculaire. De plus en plus d’études montrent en effet qu’un entraînement musculaire régulier peut contribuer de manière importante et efficace à la promotion de la santé. De plus, les effets ne se font pas attendre, ce qui est bon pour la motivation.

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