Le cannabis dans l’économie suisse : conséquences économiques de plusieurs réglementations relatives au marché du cannabis
Quel serait l’impact économique d’une éventuelle légalisation du cannabis ? Une étude cofinancée par l’OFSP révèle que le chiffre d’affaires du marché noir est estimé à environ 580 millions de francs, alors que les coûts liés à la consommation du cannabis sont supportés avant tout par la société. La légalisation permettrait de prélever des taxes, de compenser les coûts liés à la consommation assumés par la société et de consacrer ces ressources à la prévention.
Au total, le chiffre d’affaires réalisé sur le marché noir suisse est estimé à environ 580 millions de francs par an. Selon les évaluations actuelles, près de 750 000 joints sont fumés chaque jour en Suisse. Cette consommation impacte considérablement les coûts de production et de transport ainsi que le volume des échanges sur le marché noir. Elle implique également des frais de poursuites pénales et de justice ainsi que pour le système de santé.
Légaliser pour réduire le marché noir
La nouvelle étude de l’Université de Genève a examiné les conséquences économiques qu’une légalisation entraînerait. À cette fin, elle a travaillé sur trois scénarios simplifiés :
- A : un modèle prévoyant la légalisation de la culture individuelle de cannabis à des fins personnelles et autorisant de plus les associations de consommateurs (Cannabis Social Clubs, CSC). Ces associations sont imposables ; les consommateurs de cannabis peuvent en devenir membres et s’y procurer leur produit. Le scénario A part du principe que les clubs et la culture individuelle du cannabis suffisent notamment pour couvrir les besoins des consommateurs réguliers.
- B : un marché commercial strictement réglementé, soit un modèle où des personnes privées peuvent cultiver et vendre du cannabis uniquement si elles disposent de la licence d’exploitation correspondante délivrée par les autorités et assortie de conditions (p. ex. concernant la qualité des produits, la disponibilité) ; ce modèle suppose des impôts élevés (sur la base du poids et de la valeur marchande).
- C : un marché commercial libre réglementé au minimum, soit un modèle où le cannabis est soumis aux mêmes dispositions que d’autres biens de consommation et dans lequel des entreprises privées peuvent, sans contrôle supplémentaire, définir des aspects comme le prix et la qualité.
Les calculs effectués pour les trois scénarios montrent que le chiffre d’affaires du marché noir diminue considérablement ou disparaît complètement. En outre, un marché commercial sans mesures réglementaires fortes (scénario C) pour influencer les prix (imposition élevée, prix minimum) engendrerait une chute vertigineuse des prix. Une légalisation contrôlée strictement réglementée offre le potentiel d’imposer les bénéfices excessifs et de mettre en œuvre des moyens pour compenser les coûts sociaux liés à la consommation de cannabis.
Poursuites pénales et justice : coûts réduits
Les coûts annuels directs de poursuites pénales et de justice diminuent fortement dans les trois scénarios examinés. Aujourd’hui, les poursuites pénales dans ce domaine coûtent environ 60 millions de francs et sont dues essentiellement à des délits mineurs. Le scénario A (marché non commercial) prévoyant de ne pas poursuivre ces délits, les coûts seraient réduits dʼun quart. Dans les autres scénarios, les dépenses pour la répression s'élèveraient à moins d’un demi-million de francs. Les moyens ainsi économisés pourraient être consacrés à d’autres tâches comme la protection de la jeunesse ou la répression du marché noir.
Augmentation des coûts de la santé en cas de prix bas
En raison de la chute des prix dans un marché commercial libre, la consommation augmenterait par rapport à l’interdiction du cannabis en vigueur, ce qui entraînerait une hausse dʼenviron un tiers des coûts directs et indirects de la santé, pour atteindre 58,7 millions. Un marché commercial strictement réglementé ou un marché non commercial permettrait de pallier cette problématique.
Recettes fiscales potentielles
Les recettes fiscales les plus élevées seraient réalisées dans un marché commercial strictement réglementé (scénario B). Selon l’auteur de l’étude, elles pourraient atteindre 464 millions de francs. En revanche, elles seraient les plus faibles (12 millions de francs) dans le scénario C (uniquement TVA). Que ce soit sur le marché noir non réglementé ou sur le marché libre peu réglementé, les coûts sociaux liés au cannabis sont principalement à la charge de la collectivité. Un marché commercial strictement réglementé permettrait de contrer partiellement cette problématique : les recettes fiscales générées pourraient être utilisées pour la prévention ou pour atténuer les retombées sociales de la consommation de cannabis.