Huit ans de Programme national alcool : une rétrospective
Avril. 2017Fin des programmes nationaux de prévention
Programme national alcool. La consommation d’alcool est ancrée dans notre culture, que ce soit le verre de vin au repas, le mousseux pour trinquer ou la bière après le travail. Or l’alcool n’est pas un bien de consommation comme les autres, et il faut savoir le doser. Beaucoup y parviennent mais près d’une personne sur cinq boit trop, trop souvent ou au mauvais moment. En Suisse, près de la moitié de l’alcool est consommé par 11 % de la population. L’excès constitue l’un des principaux facteurs de risque pour les maladies chroniques, porte préjudice à l’entourage et compromet la sécurité routière. Les coûts sociaux qui en découlent se montent chaque année à près de 4,2 milliards de francs. En 2008, le Programme national alcool (PNA) se basait sur la vision suivante : « Celles et ceux qui boivent de l’alcool le font de façon à ne nuire ni à eux-mêmes ni aux autres. »
En 2005, le Conseil fédéral a chargé le Département fédéral de l’intérieur (DFI) et, par conséquent, l’Office fédéral de la santé publique (OFSP) de faire le point sur la politique suisse en matière d’alcool. L’élaboration participative d’un document stratégique a mis en évidence des lacunes tant sur le plan institutionnel qu’au niveau de la population. Le constat était le suivant : – La coordination entre les acteurs du domaine aux niveaux national, cantonal et communal est insuffisante. L’échange entre eux est limité. – La politique en matière d’alcool n’est pas suffisamment communiquée. La population n’est pas assez consciente des conséquences d’une consommation problématique. – L’application de la législation existante, par exemple l’âge légal pour la vente d’alcool, n’est respectée que de manière limitée, et les marges de manoeuvre existantes pour une prévention active des problèmes liés à l’alcool sont exploitées de manière variable. Il est ainsi clairement ressorti que l’approche de la prévention des problèmes liés à l’alcool devait être soutenue par tous les acteurs du domaine. Le 18 juin 2008, le Conseil fédéral a adopté et donné le coup d’envoi au premier Programme national alcool 2008–2012 (PNA).
Actions concertées sous une égide commune
L’objectif du PNA était de renforcer l’aptitude des gens à gérer leur consommation d’alcool et à limiter les abus. Pour y parvenir, il fallait la collaboration des acteurs les plus divers tels que la Confédération, les cantons, les communes et les ONG mais également les écoles, les cabinets médicaux et la police. Le PNA a poursuivi sept objectifs principaux dans dix champs d’action. Des secteurs thématiques ont été définis, tels que la protection de la jeunesse, la perception de la population ou la réduction de l’impact social de la consommation excessive d’alcool.
Le programme a regroupé les nombreuses mesures prises dans les champs d’action. La supervision du programme incombait à la direction stratégique, qui comprenait des représentants de l’OFSP, de la Régie fédérale des alcools (RFA), de la Commission fédérale pour les problèmes liés à l’alcool (CFAL) et de la Conférence suisse des directrices et directeurs cantonaux de la santé (CDS). L’OFSP s’est vu en outre confier la coordination du programme, avec la responsabilité de la campagne nationale et de la communication, de la recherche, du monitorage, de l’évaluation ainsi que du développement et de la diffusion des bonnes pratiques.
Pour la mise en oeuvre, l’OFSP s’est appuyé sur un groupe d’accompagnement composé de la RFA, de la CFAL, du Secrétariat d’État à l’économie (SECO), de l’Office fédéral des routes (OFROU), d’Addiction Suisse, du Fachverband Sucht, de la Croix-Bleue, du Groupement Romand d’Études des Addictions (GREA), d’Infodrog, du Conseil Suisse des Activités de Jeunesse (CSAJ), de Ticino Addiction, de la Fédération des médecins suisses FMH, de la Conférence des directrices et directeurs de la sécurité des villes suisses (CDSVS) ainsi que, jusqu’à sa dissolution, du Groupe d’experts Formation Dépendances (GFD). Ces institutions d’importance nationale ont assuré le pilotage des activités en concertation avec les services cantonaux (voir calendrier du programme).
Aux débuts du programme, des investissements importants ont été consentis pour la coordination : plate-formes d’échange et nouveaux instruments, mesures relatives aux achats tests d’alcool, formations du personnel de vente au sens de la loi sur la protection de la jeunesse, promotion des plans d’action cantonaux (PAC) et campagne de prévention de l’alcoolisme « Je parle d’alcool », axée essentiellement sur la Semaine de dialogue. Le nouveau processus de financement a constitué un autre élément essentiel du programme. Il a permis de créer la transparence, d’encourager l’innovation et d’assurer une utilisation cohérente des ressources. Le programme a été évalué pour la première fois en 2010 et 2011. Le rapport est arrivé à la conclusion qu’en tant que stratégie faîtière, le PNA constituait un instrument efficace en offrant orientation et soutien aux différents acteurs. Il a permis de renforcer les échanges entre les acteurs et d’intensifier la sensibilisation des professionnels, de la population et du milieu politique. Par contre, le renoncement aux mesures structurelles par manque de consensus politique a fait l’objet de critiques. Mais la conclusion était claire : le programme devait être prolongé, et il était en bonne voie.
La phase de consolidation : prolongation du PNA jusqu’en 2016
En mai 2012, le Conseil fédéral a prolongé le PNA pour en assurer le succès à long terme. A cette occasion, les ressources ont été regroupées et recentrées sur trois axes prioritaires :
– la protection de la jeunesse,
– la sensibilisation de la population aux effets nocifs de la consommation problématique d’alcool et
– l’optimisation de la coordination des différentes activités de prévention.
La collaboration avec les partenaires a bien fonctionné tout au long des premières années, ce qui a permis, pendant la prolongation, de progresser ensemble vers les objectifs. Les acquis des quatre premières années tels que les journées PAC ou la procédure de demande ont été maintenus. Le monitorage des addictions effectué chaque année depuis 2011 pour obtenir des données sur la consommation d’alcool et la perception de la population a également été poursuivi. Des études sur les intoxications alcooliques, la violence et l’alcool ainsi que sur les coûts de l’abus d’alcool pour la société ont complété la base de données, lacunaire jusqu’en 2008. Dans le cadre de la semaine alcool, une campagne intitulée « Je parle d’alcool » a été lancée à l’échelle nationale en 2011 et menée en partenariat avec les organisations actives sur le terrain. L’approche visait à coordonner les travaux des organisations au sein d’un réseau renforcé afin de sensibiliser la population à la consommation problématique. Depuis 2015, le message de prévention en forme de question « Combien ? » (alcohol-facts.ch) alimente la réflexion et incite chacun à trouver une réponse personnelle et adaptée à sa situation. Une évaluation externe réalisée en 2015 a fourni un bilan des réalisations ainsi qu’une base de décision pour l’avenir. Les résultats étaient bons : la plupart des activités ont pu être mises en oeuvre comme prévu. En outre, les journées d’information et de formation ainsi que l’élaboration de concepts ont largement favorisé les échanges fructueux et clarifié les rôles.
La bonne coordination des partenaires, des messages et des argumentaires limpides ont été diffusés de manière large et efficace dans toutes les activités. En décembre 2016, une ère couronnée de succès a pris fin avec l’achèvement du PNA. De nombreux objectifs ont été atteints : des mesures efficaces ont été mises en oeuvre, des bases scientifiques ont été élaborées et, grâce aux partenaires et aux campagnes, des informations solides et compréhensibles sur l’abus d’alcool ont été transmises à la population. Dès 2017, le PNA a été intégré dans les nouvelles stratégies Addictions et MNT (maladies non transmissibles) grâce notamment à l’excellente collaboration avec les cantons. En coopération avec les acteurs de la prévention de l’alcoolisme, le travail se poursuivra dans le cadre de ces stratégies car l’abus d’alcool nous affecte tous et, en fin de compte, une prévention efficace de l’alcoolisme profite à chacun.