
Enfants vivant dans une famille touchée par la dépendance défis et possibilités de soutien
Juin. 2023Santé et social : pour un renforcement des interfaces
Combien y a-t-il en Suisse d’enfants qui, du fait de la consommation à risque de substances de leurs parents, sont eux-mêmes exposés à un risque accru ? Les recherches effectuées indiquent la distribution démographique des enfants selon la substance et constituent une base importante en vue de la mise au point de mesures ciblées et d’une offre en réseau.
Du ventre maternel jusqu’à l’âge adulte l’addiction des parents est susceptible de nuire gravement au développement physique et mental d’un enfant. Les parents qui fument à la maison exposent en permanence à des risques la santé de leurs enfants. En outre, les enfants et les jeunes de familles ayant une consommation à risque de substances risquent davantage de rencontrer eux-mêmes des problèmes d’addiction à l’âge adulte. Des facteurs d’influence sociaux et génétiques jouent également un rôle dans ce transfert de risque des parents aux enfants. Les enfants et les jeunes se sentent fréquemment livrés à eux-mêmes. Leur problème familial constitue un tabou et ils ont peur d’être stigmatisés par leur environnement. Bien souvent, les enfants ne savent pas à qui se confier et où trouver de l’aide. Ils ne veulent pas dénoncer leurs parents et craignent également d’être séparés d’eux.
Le stress, une humeur sombre et des conflits (dysrégulation émotionnelle) sont le lot quotidien de telles familles. Dans ces conditions, les résultats scolaires tendent à se dégrader et des comportements problématiques à se manifester. Une « arentification des enfants ou adolescents n’est pas rare non plus. Il leur faut prendre des responsabilités à la maison, où les adultes ne parviennent pas à faire face aux besoins essentiels de leur famille. Or le rôle de jeune proche aidant (young carer) représente une lourde charge.
Proportion d’enfants concernés
Une étude menée par la Haute école spécialisée bernoise (BFH) sur mandat de l’OFSP et intitulée « Kinder aus Familien mit risikoreichem Substanzkonsum » a montré combien d’enfants de moins de 15 ns sont potentiellement en danger en Suisse parce qu’ils grandissent dans des familles où les parents présentent une consommation à risque de substances. Selon cette étude, 5,8 % des enfants de cette classe d’âge vivent dans une famille où l’un des parents au moins présente une consommation à risque d’alcool, et un nombre équivalent sont exposés à la fumée du tabac dans leur logement. À titre de comparaison, la part des enfants dont les parents consomment des drogues illégales est plus faible, avec 1,8 %. Par ailleurs, quelques parents présentent une consommation à risque multiple, d’alcool et de tabac notamment (1,9 % des enfants étant concernés).
Les chiffres qui précèdent indiquent certes la fréquence des dangers encourus par les enfants, mais pas leur intensité. Par exemple, s’il y a peu d’enfants vivant dans des ménages « ccro à l’héroïne, les contraintes multiples qu’il leur faut subir sont lourdes de conséquences. A contrario, la consommation d’alcool ou de tabac est plus répandue mais plus facile à gérer au quotidien.
Où trouver de l’aide
Les enfants issus de familles touchées par la dépendance ont besoin d’un environnement sûr. Concrètement, il leur faut un réseau d’aide offrant un soutien tant psychologique que social. Il est important pour eux de pouvoir dépasser leurs expériences et de renforcer leur estime de soi et leur conscience corporelle, leur aptitude à communiquer ainsi que leur résilience dans un cadre familier. En outre, les enfants doivent apprendre à gérer les effets de la dépendance leur étant imposée et – en fonction de leur âge – à mieux comprendre la situation de leurs parents. Une telle thérapie se concentre à chaque fois sur l’enfant, et non sur ses parents.
Les parents concernés ont également besoin d’un soutien psychosocial pour faire face à leurs problèmes de dépendance et offrir autant que possible un environnement stable à leurs enfants. Au-delà du suivi psychologique proposé, les services de conseil professionnels, les groupes d’entraide ou les institutions sociales peuvent être d’une grande utilité. Par ailleurs, les familles ont souvent besoin d’un soutien financier afin que les parents puissent participer à un traitement ciblé. Une collaboration interinstitutionnelle serait ici optimale, avec un travail en réseau et coordonné des acteurs s’étant spécialisés dans la prise en charge des familles touchées par la dépendance.
Importance du contexte social
Le contexte social joue un rôle essentiel en cas de dépendance. D’une part, un milieu ayant une consommation à risque tend à favoriser l’apparition d’une dépendance ou à rendre son abandon plus difficile. D’autre part, un environnement favorable constitue une ressource décisive pour échapper à une dépendance. Il est par conséquent indispensable de prendre en compte le contexte social dans l’activité de conseil. C’est même l’unique moyen de comprendre dans sa globalité la situation des personnes présentant une addiction.
Qui est surtout concerné
Les enfants élevés au sein de familles à faible revenu ou monoparentales sont davantage affectés par la consommation à risque de leurs parents. La distribution démographique des problèmes diffère encore selon la substance. Par exemple, les parents ayant un faible niveau de formation ou issus de la migration fument bien plus souvent au quotidien.
Soucieux d’atteindre les personnes migrantes avec leurs messages de prévention, les services spécialisés proposent des informations dans différentes langues. L’OFSP soutient lui aussi des programmes de prévention cherchant à minimiser l’exposition des enfants concernés et comportant un volet de sensibilisation. Par exemple, le programme « nfants de parents dépendants d’Addiction Suisse bénéficie du soutien financier de l’OFSP entre 2022 et 2024. Quant à la « romotion de la santé chez les enfants et les adolescents figurant dans sa stratégie d’ensemble « anté 2030 , l’OFSP s’y concentre tout particulièrement sur les besoins des enfants et des jeunes en situation de vulnérabilité ainsi que sur leur environnement familial.
Représentation de la Suisse dans le Groupe Pompidou
Le Groupe Pompidou est une plateforme de coopération pour la politique en matière de drogues du Conseil de l’Europe, qui se prête dans ce domaine à des échanges d’informa- tion réguliers au niveau international. Dans le cadre de sa coopération avec le Groupe Pompidou, l’OFSP a lancé un mandat de recherche sur le thème «Les enfants dont les parents consomment des drogues». Addiction Suisse a questionné des mères dépen- dantes et leurs enfants, ainsi que de jeunes adultes ayant grandi dans une famille tou- chée par la dépendance, et publiera en été 2023 un rapport sur la situation en Suisse.