
Dossier électronique du patient : l’effort collectif sera la clé du succès
Oct.. 2023Le dossier électronique du patient
l’éditorial. Le dossier électronique du patient (DEP) est développé en permanence. Au profit de tout le monde, les professionnels de la santé comme la population : plus les données sont disponibles de manière simple et sûre, et mieux cela vaut pour les patients, pour leurs proches et les professionnels de la santé.
Stéphanie se rend dans l’Oberland bernois pour y faire du vélo. Malheureusement, elle rate un virage et se casse une jambe dans sa chute. Des radiographies sont faites à l’hôpital local, Stéphanie y reçoit des ordonnances, des médicaments et divers rapports de sortie. Si elle a un DEP, elle pourra y stocker tous les documents reçus – et à son retour chez elle à Zurich, quand elle se rendra chez son médecin de famille pour un contrôle, il examinera ces documents avant la consultation. Et si Stéphanie autorise aussi sa pharmacie à accéder à ses données, l’équipe de l’officine pourra vérifier sa liste de médication.
Cet exemple illustre bien le fonctionnement du DEP : il rassemble les informations en un seul endroit et les rend accessibles à toute heure, en reliant entre eux les professionnels de la santé au-delà des frontières cantonales, ce qui a pour effet d’améliorer les thérapies et de prévenir les examens redondants.
Les patients ont le dernier mot : il leur appartient de décider ce qui figurera dans leur DEP et qui peut y accéder. Les informations correspondantes étaient souvent dispersées jusque-là entre les médecins de famille, les archives des hôpitaux ou les cabinets de physiothérapie. Avec le DEP, toutes ces données sont stockées au même endroit. Or une bonne vue d’ensemble des données du patient facilite les décisions en matière de santé.
Les avantages sautent aux yeux. Ce qui est acquis depuis longtemps en Suisse pour bien des gens au niveau des finances – soit l’accès électronique – devrait bien-tôt l’être à son tour dans le domaine de la santé. Le DEP est une pièce essentielle du puzzle visant à faire progresser rapidement la numérisation dans le secteur suisse de la santé.
Dans le présent numéro de spectra, nous nous occupons donc de différentes questions liées au DEP : Qu’apporte-t-il ? Où en sont les choses ? Quels sont les déve- loppements à venir ?
Système fragmenté
Le DEP a vu le jour dans un contexte difficile. Le système de santé suisse est très fragmenté. Chaque acteur possède son propre système informatique. Cela complique les échanges de données et constitue un réel défi pour le DEP, censé relier toutes les institutions entre elles. Quelques succès ont néanmoins été remportés à ce jour. Depuis août 2022, tout le monde en Suisse a la possibilité d’ouvrir un DEP, qui fonctionne dans tout le pays.
Il convient de préciser que le DEP repose sur une solide base légale, soit la loi fédérale sur le dossier électronique du patient. La LDEP prévoit par exemple que chaque patient peut lui-même décider qui est autorisé à accéder à son dossier électronique, précise les tâches des fournisseurs et veille à une sécurité optimale. Le DEP se distingue en cela des applications de santé. Les données des patients sont conservées en Suisse au sein des huit communautés (de référence) DEP, toutes certifiées selon les prescriptions légales. Le DEP est en outre l’unique plateforme à garantir dans toute la Suisse l’interopérabilité entre les fournisseurs DEP et tous les établissements de santé.
Le dossier du patient fait partie intégrante des stratégies numériques de la Confédération et des programmes qui en découlent. On peut citer ici la stratégie Cybersanté 2.0 (eHealth) élaborée par la Confédération et les cantons, ou la stratégie Santé 2030 du Conseil fédéral, qui confère un niveau de priorité élevé à la numérisation, et donc qui vise à la promouvoir dans le système de santé suisse.
Le DEP a vu le jour dans un contexte difficile. Le système de santé suisse est très fragmenté. Chaque acteur possède son propre système informatique.
Définition d’interfaces
De nombreuses mesures ont déjà été réalisées sur ces bases. La pandémie a donné un coup d’accélérateur à la numérisation et a montré qu’en Suisse, de grands projets numériques sont réalisables au niveau national. Le DEP en profite lui aussi. Les bases et l’infrastructure nécessaires à sa mise en place ont ainsi été créées ces dernières années.
Nassima Wyss-Mehira, responsable de l’unité de direction Transformation numérique et pilotage à l'Office fédéral de la santé publique (OFSP), conseille à tout le monde d’ouvrir à présent un DEP. «Avec un DEP, j’ai accès à mes documents médicaux et je peux décider moi-même avec qui je veux les partager. L’infrastructure est en place. Il faut aller de l’avant maintenant. »
Couverture de toute la chaîne des soins
Les hôpitaux, les maisons de naissance et les EMS sont tenus d’utiliser le DEP et d’y enregistrer toutes les informations importantes pour le traitement. En ce moment, la moitié des hôpitaux l’ont fait – et ce nombre ne cesse d’augmenter. Les hôpitaux sont les plus avancés ici. Mais les EMS, les cabinets médicaux et les pharmacies vont également de l’avant. Entre-temps, près de 15 % des cabinets médicaux sont raccordés, et 5 % des pharmacies.
La révision de loi, que le Conseil fédéral a mise en consultation en juin 2023, vise à imposer le DEP tout au long de la chaîne de soins et donc à inclure également les fournisseurs de prestations ambulatoires tels que les médecins, les pharmaciens, les physiothérapeutes, les chiropraticiens, l’aide et soins à domicile, etc. Eux aussi devront se raccorder à une communauté (de référence) et déposer dans le DEP les documents médicaux relatifs aux traitements prodigués.
Encouragement de la prévention
Bien des gens se demanderont sans doute, à la lecture de ces lignes, ce que le DEP a à voir avec la promotion de la santé et la prévention. Beaucoup en fait. Par exemple avec les questions de vaccination. À l’avenir, le DEP servira de carnet de vaccination électronique. De cette manière, le certificat de vaccination sur papier deviendra superflu. Les données des examens de dépistage trouveront également place dans le DEP. Et à l’avenir, il doit être possible d’intégrer les données sur le pouls ou la tension artérielle directement depuis une montre connectée (smartwatch) dans le DEP.
Rôle de l’OFSP et d’eHealth Suisse
Pour atteindre les objectifs susmentionnés, il est important d’impliquer tous les acteurs – et d’assurer la coordination et l’information à l’échelle nationale. Ce rôle incombe à l’OFSP et à eHealth Suisse. Ainsi, l’OFSP prépare pour le Conseil fédéral et le Parlement les bases légales (en menant également des activités de monitorage et d’évaluation) et diffuse des informations sur le DEP. Mais comme les soins de santé sont en principe du ressort des cantons, il faut encore une plaque tournante qui assure la coordination entre la Confédération et les cantons. Cette tâche revient à eHealth Suisse.
Prochaines étapes
Il faut constamment développer le DEP, si l’on veut en exploiter tout le potentiel. La révision mise en consultation par le Conseil fédéral en juin 2023 prévoit ici différentes pistes. Comme l’ouverture automatique d’un DEP pour toute personne domiciliée en Suisse. Il sera toutefois possible de s’opposer à l’ouverture de son DEP (modèle opt-out). Outre l’obligation de raccordement au DEP faite à tous les fournisseurs de prestations ambulatoires, le Conseil fédéral propose encore que les données soient exploitables pour la recherche sous une forme adéquate, moyennant le consentement explicite des patients.