Environ 250’000 personnes alcoolodépendantes en Suisse

La quantification actuelle de l’alcoolisme au sein de la population helvétique repose sur une modélisation issue de 17 estimations provenant de trois groupes de données obtenus par des approches méthodologiques différentes: l’AUDIT (AUDIT = Alcohol Use Disorders Identification Test), conduit dans le cadre de l’Enquête suisse sur la santé 2007, les taux de mortalité par cirrhose du foie en Suisse ainsi que des estimations externes de l’OMS. L’AUDIT est l’un des questionnaires mis au point par l’OMS qui, au travers de dix questions, permet d’identifier une consommation d’alcool éventuellement problématique.  

Estimation prudente
La plupart des 17 estimations oscillent entre 220’000 et 330’000. Des modélisations et la convergence des chiffres permettent de fixer un chiffre à environ 250’000 (soit 3,9% de l’ensemble de la population de 15 ans et plus). Ce chiffre doit cependant être considéré avec prudence. Une certaine réserve s’impose en effet, car seul un examen clinique permet de diagnostiquer une dépendance avec suffisamment de certitude. Des instruments de screening tels que l’AUDIT ne fournissent qu’un diagnostic approximatif. C’est pourquoi il est important d’aligner les données AUDIT sur la base des diagnostics cliniques confirmés pour garantir la validité des chiffres. De plus, on sait que certains groupes présentant un risque particulièrement élevé d’alcoolodépendance ou déjà en traitement hospitalier pour une dépendance à l’alcool, sont plutôt sous-représentés dans les enquêtes auprès de l’ensemble de la population telles que l’Enquête suisse sur la santé. On peut donc partir du principe que les estimations issues de l’AUDIT, et donc le nombre de 250’000 personnes alcoolodépendantes, sont plutôt en deçà qu’au-delà de la réalité.

Un défi pour les épidémiologues
Les chiffres sur l’ampleur de l’alcoolisme revêtent une importance primordiale, que ce soit pour la planification des institutions de traitement ou pour des analyses épidémiologiques. Il n’existe toutefois toujours pas de méthode de mesure des prévalences d’alcoolodépendance qui se démarquerait nettement des autres, ce qui rend les calculs longs et laborieux. L’approche dite de «triangulation» permet d’obtenir des chiffres relativement fiables sur l’épidémiologie de l’alcoolodépendance. Pour ce faire, des optiques ou méthodes différentes ainsi que des données variées sont utilisées pour explorer un phénomène. Il devient alors possible d’étayer solidement les calculs et de compenser les faiblesses de certaines méthodes ou données.

Le rapport «Estimation du nombre de personnes alcoolo-dépendantes dans la population helvétique» d’Hervé Kuendig est disponible en français sous www.sucht-info.ch et sous www.alkohol.bag.admin.ch.